42: La question de la vie de l'univers et du reste, en moins de 7,5 millions d'années
1. Dieu ne croit pas à notre Dieu
Ce premier chapitre ouvre le bal des questions difficiles en commençant par le point qui se révèle peut-être le plus épineux : qui ou quoi pourrait bien être la cause première de l’univers que nous arpentons ? Ni les positions ni les explications ne manquent pour alimenter ce sujet on ne peut plus controversé. Celles-ci s’étalent sur le large spectre allant du bigotisme le plus vigoureux à l’athéisme scientifique le plus poussé. Cette diversité conceptuelle témoigne bien de l’impossibilité fondamentale de répondre précisément à cette question. Néanmoins, à défaut d’affirmation rigoureuse, nous verrons qu’il peut être envisageable d’éliminer des points de vue allant naïvement trop vite en besogne pour lever le mystère de la création.
Des hommes et des dieux
Tout comme certains animaux ont développé leur force ou leur agilité pour s’adapter et survivre, l’Homo sapiens, lui, a plutôt développé son cerveau et son intelligence. Cette marche évolutive a commencé il y a plus de trois millions d’années. Elle nous a dotés d’une structure cérébrale qui n’a pas son pareil pour catégoriser, classifier, généraliser, réaliser toutes sortes de déductions ou abstraire de nouvelles règles basées sur notre expérience. Comme chez n’importe quel autre animal, les stimulus extérieurs reçus par nos sens activent en fin de compte toutes sortes de « symboles » dans le cerveau [7]La notion d’activité symbolique est éminemment développée dans le livre « Je suis une boucle étrange » de Douglas Hofstadter. Ce dernier explique l’origine de cette activité comme l’émergence de concepts abstraits issus de boucles de rétroaction extrêmement complexes permettant de traiter l’information au sein de toute structure cérébrale. Je réutiliserai ce vocabulaire tout au long de ce livre, car il me semble tout à fait approprié pour décrire le mécanisme qui produit la pensée. . Ceux-ci correspondent aux phénomènes physiques qui en sont à l’origine. Dans le cerveau reptilien d’un crocodile, les « symboles » intériorisés et les relations qui les lient demeurent basiques et se rapportent simplement aux besoins primaires de tout être vivant. À l’autre bout de la chaîne, les concepts assimilés par les primates se montrent beaucoup plus évolués et relèvent d’une capacité de représentation notable : compétences sociales, langage rudimentaire, émotions. Mais le cerveau de l’homme, lui, a dépassé un seuil critique important. Le niveau atteint lui permet d’extraire une palette sans fin de concepts, tout en étant capable de les combiner à volonté pour échafauder des représentations mentales toujours plus complexes, toujours plus élaborées. Cette étonnante flexibilité se trouve ainsi à l’origine de l’habileté du cerveau humain à ne pas seulement manipuler des « symboles » issus des stimulus externes. Il dispose également de l’aptitude à intégrer des informations qui relèvent de lui-même, à percevoir les choix qui s’offrent à lui et les décisions qui en ont découlés. Nous pouvons analyser nos propres actions et en tirer des conclusions. Nous pouvons imaginer de nouvelles idées en en combinant d’autres à volonté. C’est probablement de cette incroyable capacité de lecture de nous-mêmes que naît notre conscience.
Notre cerveau constitue une formidable machine à abstraire, à simplifier, à trouver des analogies, à expliquer l’essence des choses. Cette possibilité de compréhension profonde nous incite à nous poser toutes sortes de questions, à nous interroger sur notre propre avenir et inévitablement sur notre mort. La pensée humaine revêt ainsi un double tranchant. Notre conscience peut nous donner un merveilleux sentiment d’être vivants et nous procurer toutes sortes de joies, mais elle peut aussi être à l’origine de souffrances allant bien au-delà d’une douleur physique. Cette perspective de souffrir, couplée à notre capacité d’anticipation, mène inévitablement à la peur de l’avenir et de l’inconnu. Dès lors, s’il y a bien quelque chose qui frustre un être humain, c’est bien de ne pas pouvoir élucider un phénomène, surtout quand il est durement subit. Notre système de pensée est basé sur la causalité et il en découle que tout événement doit pouvoir s’expliquer par un autre. Ne pas comprendre la cause, c’est se trouver face à l’ignorance, l’incertitude, et cela fait peur. H. P. Lovecraft n’aurait pas pu mieux l’exprimer quand il a écrit : « La plus vieille, la plus forte émotion ressentie par l’être humain, c’est la peur. Et la forme la plus puissante de cette peur, c’est la peur de l’inconnu. »
Mais il se trouve que le monde regorge de choses qui ne s’élucident pas facilement. C’est peut-être de cette ignorance et de ces frustrations, mêlées à une très forte capacité d’abstraction, que sont nées les religions. Ce qui ne s’expliquait pas se trouvait un dieu pour cristalliser cette peur et répondre à ce besoin impérieux d’y attribuer une cause. Par anthropomorphisme, nous pouvions ensuite prêter des sentiments et des intentions aux dieux, ce qui donnait un semblant d’explication. Si le tonnerre et la tempête se déchaînaient, c’était dû au dieu de l’orage qui exprimait sa colère. L’homme croit en des divinités depuis la nuit des temps et nous pourrions nous demander comment toutes les civilisations en sont arrivées à ce même état de fait. Plusieurs hypothèses tentent d’expliquer ce phénomène universel, et peut-être que la réponse se trouve dans un savant mélange de plusieurs d’entre elles. Quoi qu’il en soit, le cerveau humain est certainement prédisposé à croire.
Une première explication évoquée plus haut provient de ce que l’on nomme l’intentionnalité. En raison de notre passé de proie, notre cerveau a fortement tendance à prêter une intention à tout événement suspect. Ce raccourci cognitif permet de mieux détecter d’éventuels prédateurs et ainsi de maximiser nos chances de survie. Ce processus ne se veut pas infaillible, car il est préférable de s’enfuir un peu trop souvent pour rien que de se faire attraper pour du bon. En conséquence, l’être humain a spontanément tendance à personnifier ce qui se cache derrière un phénomène naturel.
Une autre explication envisageable est liée à notre vie sociale et à notre capacité d’apprentissage se construisant sur les acquis de nos aînés [8]Cette explication est proposée dans le livre « Pour En Finir Avec Dieu » de Richard Dawkins. . Le cerveau d’un jeune enfant est programmé pour absorber rapidement et efficacement toute la connaissance qu’il pourra tirer de ses parents ou de toute autre personne influente. C’est ce mécanisme qui permet au savoir de l’humanité de perdurer et de traverser les époques. Cette assimilation se réalise par contre sans tenter de séparer l’information réellement utile de celle qui pourrait s’avérer obsolète ou fausse, le bon grain et l’ivraie étant consommés en un joyeux mélange. Toutes les superstitions et croyances sont donc transférées avec le reste et il est très difficile, une fois adulte, de revenir en arrière sur des idées distillées dans notre esprit depuis notre tendre enfance.
Par le nombre impressionnant de religions existantes ou ayant existé, on comprend bien que la religion correspond avant toute chose à une invention humaine. Les puissants de chaque époque ont vite saisi qu’elle constituait un bras de levier social énorme. Un empire rassemblant des millions d’individus aux origines et coutumes différentes ne peut trouver son unité qu’autour d’un sentiment fort d’appartenance au groupe. Quoi de mieux que la religion qui puise son essence dans l’un des moteurs les plus puissants de l’homme : la peur. Ainsi, la religion a toujours été historiquement liée au pouvoir, dont elle permet de légitimer l’autorité. Tout comme des parents peuvent user de gratifications et de punitions pour élever leurs enfants, les autorités religieuses ont usé de promesses de récompenses et de menaces divines pour guider leurs peuples.
Toute science crée une nouvelle ignorance
Certaines des ignorances de l’homme relèvent de la métaphysique et ne trouveront jamais d’explications, quels que soient les efforts déployés pour y arriver. D’autres ressortent purement de la science et, après plusieurs millénaires de recherche, nous en comprenons maintenant une certaine partie. À ses débuts, l’homme ne discernait bien sûr pas la nuance entre ces deux catégories. Mais cela n’empêcha pas les sciences de progresser et de grignoter petit à petit ce qui auparavant relevait de l’ordre du divin. Chaque découverte scientifique majeure a remis en cause l’autorité suprême et menacé de déstabiliser le pouvoir en place. L’héliocentrisme, la gravitation, l’évolution des espèces, la théorie du Big Bang correspondent à autant de révolutions scientifiques qui ont laissé de moins en moins de place à Dieu. Heureusement, cette guerre improductive semble s’être aujourd’hui un peu calmée. La mutation des relations entre science et religion a changé les termes de cette coexistence. À quelques exceptions près, elles en sont arrivées à une sorte d’équilibre. Ce dernier est souvent illustré par les propos qu’aurait exprimés Jean Paul II à Stephen Hawking : « Nous sommes bien d’accord, Monsieur l’astrophysicien ? Ce qu’il y a après le Big Bang c’est pour vous et ce qu’il y a avant c’est pour nous. » Même si cette citation tient plus de la légende que d’une vérité historique, elle illustre fort bien à quel point sciences et religions se placent en concurrence pour tenter d’élucider l’ordre de l’univers.
Fondamentalement, la science tente d’expliquer le comment. La religion, pour sa part, essaierait d’expliquer le pourquoi. Ces deux sphères sont complètement dissociées, mais ont fortement tendance à se lancer des étincelles lorsque l’on tente de les rapprocher. Aussi vaut-il mieux les manier avec prudence.
Pour bien comprendre cette dualité, il est important de rappeler que la démarche scientifique est fondée sur l’exploration d’hypothèses testables et sur la confrontation continue entre la raison et ce que nous percevons de la réalité. Cette démarche n’a pas recours à la métaphysique comme valeur explicative, non pas parce qu’elle la rejette, mais tout simplement parce que celle-ci se situe hors de son champ de compétence. Aussi, l’universel que les sciences nous dévoilent s’avère par nature incomplet. Mais tout comme la nature, l’homme a horreur du vide, et ce vide a été comblé par la religion.
Pour parler de religion, il est important de commencer par définir ce que chaque type de croyance entend par « Dieu » et quelles sont les différentes catégories de conviction qui s’y réfèrent. La première façon de définir Dieu, et la plus courante historiquement, consiste à le voir comme un être surnaturel qui a créé le monde et qui s’est immiscé ensuite dans la vie des hommes. Cette interprétation correspond au Dieu des théistes, pour lesquels Dieu lit dans les pensées, voit tout, écoute les prières, accomplit des miracles, etc. Ce Dieu, souvent décrit comme à l’image de l’homme, en hérite aussi des défauts et des qualités, mais de façon magnifiée. Ces caractéristiques évoluent d’ailleurs avec les époques afin de mieux se fondre avec le décor local des idées : plutôt colérique et jaloux dans le passé, Dieu est par la suite devenu plus enclin à l’amour et à la bonté.
Le Dieu des déistes présente quant à lui beaucoup de similitudes avec celui des théistes, mais dans une version fortement amenuisée. Dieu aurait créé le monde, par exemple en lançant le Big Bang cosmique, mais ne s’en serait plus occupé ensuite. Ce Dieu est plus décevant dans la mesure où il ne sert à rien de le vénérer ou de lui adresser des prières, puisqu’il n’est pas là pour les écouter ou y répondre. Il n’est pas là non plus pour nous dicter un quelconque code moral. En descendant encore d’un niveau sur l’échelle de la croyance, les agnostiques sont des personnes qui pensent qu’il n’est pas possible de savoir si Dieu existe, sous l’une ou l’autre forme décrite plus haut. Il existe deux classes d’agnosticisme. La première se caractérise par ce qu’on appelle les Agnostiques Provisoires en Pratique (APP). Ils se situent à mi-chemin entre les théistes et les athées. Concrètement, ils estiment qu’il y a autant de chance que Dieu existe ou qu’il n’existe pas, mais qu’il n’est pas possible de s’en faire une opinion pour le moment, faute de preuve. La deuxième forme est définie par l’Agnosticisme Définitif de Principe (ADP). Ce type d’agnosticisme considère que la question même de l’existence de Dieu n’a pas de sens. Il suggère que l’explication se situe dans un autre plan de la réalité et que personne ne pourra donc jamais trancher, quel que soit le temps passé à chercher la réponse. Les athées qui ne croient pas en l’existence de Dieu, quel qu’il soit, achèvent cette décomposition.
Il est important de noter qu’un Dieu personnel qui interagit avec le monde, comme le voient les théistes, reste potentiellement accessible à la science. En effet, celle-ci détient pour champ de compétence la découverte et l’étude de toutes les lois qui régissent notre univers. Elle le réalise au moyen de la démarche scientifique décrite plus haut, c’est-à-dire en formulant des hypothèses, puis en les éprouvant par rapport aux phénomènes qu’elle peut observer. S’il existe un moyen d’interaction, quel qu’il soit, entre Dieu et l’univers, alors Dieu devient partie intégrante de ce qu’il faut considérer comme constituant cet univers. Ce moyen d’interaction doit donc pouvoir être testé. Cette idée paraît flagrante si Dieu accomplit des miracles, des phénomènes qui ne peuvent être fondamentalement expliqués par les meilleurs modèles actuels de la science.
Un Dieu purement métaphysique, comme le voient les déistes, demeure par définition hors de portée. Quel que soit ce que désigne un tel Dieu, son rôle a consisté à mettre en marche la machinerie cosmique et il s’abstient depuis de toute interaction. Le terme « Dieu » apparaît ici ambigu et trompeur, car il a plutôt la connotation d’un être surnaturel comme le décrivent les théistes. Il vaut mieux le voir comme une entité abstraite et indicible. Ce Dieu n’offre bien sûr aucune prise à la science, dans la mesure où celle-ci ne peut étudier que ce qui se passe dans l’univers. Il est par contre important d’ajouter qu’un tel Dieu se trouve tout autant hors de portée des théologiens. Ces derniers ne peuvent en aucun cas se montrer compétents à exprimer la parole de Dieu si celui-ci n’interagit pas avec nous. Sinon, tout et son contraire pourraient être affirmés sans avoir besoin d’aucune justification.
De mon point de vue, je penche clairement dans le camp des ADP. Quelle que soit l’idée que nous pouvons nous en imaginer, il faut bien comprendre que l’origine de l’univers échappe fondamentalement à toute logique, que Dieu soit inclus dans l’équation ou pas. Invoquer un Dieu des théologiens pour justifier la création n’est pas une hypothèse plus satisfaisante que de solliciter le néant des athées, et inversement. Si nous prenons la peine de regarder le problème dans sa globalité, notre cher principe de causalité ne tient pas lorsque nous essayons de nous figurer quelle pourrait être la cause de ce qui a engendré l’univers ; Dieu ou toute strate de réalité supérieure inclus. Il est toujours possible d’ajouter une cause plus grande pour expliquer l’origine de la création, mais cet ajout n’apporte jamais plus d’éclaircissements logiques en soi. Le mystère du créateur originel, celui au-dessus de tous les autres, restera en effet toujours hors de portée.
Une manière de concevoir les choses consiste encore une fois à noter que nous sommes prisonniers de notre univers. Nous en faisons intégralement partie et, de ce fait, il nous est impossible d’en appréhender sa nature profonde. Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction de ce livre, il n’est pas envisageable de tout connaître sur un système en restant cloisonné à l’intérieur de celui-ci. Il est toujours envisageable d’imaginer un système plus grand, englobant le précédent, mais le problème est alors simplement reporté au niveau supérieur. Cette échappatoire ne laisse la place qu’à une régression infinie de systèmes (ou de dieux) qui n’apporte en soi aucune argumentation satisfaisante.
Une seconde façon de voir, plus théorique, vient des limitations intrinsèques de la science et des mathématiques. Celles-ci s’étirent autour de tout un pan de connaissances qu’il n’est fondamentalement pas envisageable d’appréhender, ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais. Mais si la logique ne peut effectivement pas expliquer toutes les questions qu’elle peut exprimer, quel espoir pouvons-nous bien avoir de dénouer un jour quelque chose qui, dès le début, viole les principes mêmes de cette logique ?
La science peut essayer de deviner les règles du jeu, mais en aucun cas elle ne pourra expliquer pourquoi le jeu se joue. Mais comme nous nous révélons incapables de réfléchir en d’autres termes que de causalité, la question de l’origine de l’univers s’affiche comme un trou béant dans l’apparente perfection de nos représentations mentales. Ce trou, nous ne cessons d’essayer de le remblayer, plutôt que d’admettre que l’origine de l’univers échappe à toute raison. Malgré ce constat, les explications sur l’avènement du monde, elles, se bousculent à la porte.
Dieu aux mille visages
Beaucoup d’augures se sont penchés sur la question de l’origine de l’univers, mais force est de constater qu’ils éprouvent tous beaucoup de mal à synchroniser leurs visions. La bataille s’annonce donc rude pour conquérir le Graal tant convoité qui permettrait de répondre pleinement et définitivement à cette question. Les déclarations dans ce domaine se veulent d’ailleurs souvent tapageuses et sources de confusion, que ce soit de la part de la religion ou des sciences. Elles donnent l’impression qu’il apparaîtrait horriblement honteux d’avouer la possibilité qu’il n’y ait pas de réponse, comme si cette prise de conscience s’avérait être un cuisant revers pour l’humanité. Après tout, si nul n’est tenu à l’impossible, ne dit-on pas justement qu’« à cœur vaillant, rien d’impossible ! » Toute tentative d’explication tombe cependant irrémédiablement dans l’une des catégories qui suivent, et toutes ratent la mouche, encore et encore.
Il y a d’abord les versions théologiques, avec Dieu qui décide à un moment de créer l’univers, en le faisant jaillir du néant. Par commodité, Dieu est inexplicable et nous ne pouvons donc pas nous poser la question de savoir pourquoi cette idée lui est venue, ou bien de savoir qui a créé Dieu. Il stoppe de facto une régression infinie d’interrogations sur l’origine du créateur, du créateur du créateur, et ainsi de suite. Nous ne pouvons pas non plus nous demander comment Dieu et le néant ont pu exister conjointement, sans que le premier change la nature du second par ricochet.
Ensuite viennent les versions scientifiques. L’Univers (avec un grand U afin de souligner sa capacité à embrasser plusieurs univers à la fois) pourrait exister depuis toujours, de l’une ou l’autre manière selon le modèle explicatif s’aventurant à en décrire le processus. Par exemple, le Big Bang pourrait correspondre au rebond d’un univers précédent qui se serait effondré sur lui-même avant d’engendrer le nôtre. D’autres théories présentent notre univers comme une variété dimensionnelle flottant dans un Univers encore plus vaste. Deux variétés se croisant au hasard de leur cheminement pourraient alors engendrer ce qui, de notre point de vue, correspondrait au Big Bang. Mais l’idée d’expliquer la création de notre univers en se référant à un autre Univers, dont personne ne sait rien, rappelle étrangement la version théologique, revêtue ici d’un habillage scientifique. En d’autres termes, la nécessité de causalité se trouve éludée, voire noyée, dans la description d’un Univers encore plus vaste, de toute éternité et hors de portée.
Finalement, il y a l’idée d’un univers créé ex nihilo, c’est-à-dire à partir de rien. Mais personne n’a jamais défini ce qu’est ce « rien ». Comment pourrait-il n’être rien tout en disposant de la potentialité que notre univers en émerge ? S’il dispose de cet incroyable pouvoir lui permettant de se muer en autre chose, en s’extrayant de sa propre nature, c’est qu’il n’est pas rien. La seule façon permettant au concept « rien » d’exister nécessite que rien d’autre n’existe jamais. D’ailleurs, la notion de « rien » défie complètement la logique, car elle ne peut que s’opposer à « quelque chose », ces concepts ne pouvant exister indépendamment l’un de l’autre. Imaginer ce que pourrait être « rien » est hors de portée de la raison humaine.
Je pense que cet acharnement à vouloir donner une explication provient de la méconnaissance vivace perdurant entre métaphysique et science, ou du refus de reconnaître une quelconque différence. Elle subsiste encore aujourd’hui au travers des groupes créationnistes qui essaient d’attester de l’existence de Dieu sur base d’une interprétation littérale des textes sacrés. Y répliquent certains scientifiques qui réfutent toute métaphysique en s’efforçant de démontrer que la science se suffit à elle-même.
Les tentatives pour prouver l’existence de Dieu sont nombreuses et toutes critiquables d’un point de vue scientifique. L’une d’elles se nomme la raison suffisante. Elle stipule que tout doit émaner d’une cause, et donc Dieu a créé l’univers. J’approuve pleinement le fait que l’existence soulève une énigme logique. Toutefois, remplacer un mystère par un autre ne constitue pas une explication, encore moins une preuve. Je ne prétends pas non plus qu’il ne puisse pas exister quelque chose qui nous transcende, mais ce quelque chose nous échapperait tout autant et ne pourrait certainement pas s’assimiler avec le (les) Dieu(s) dépeint (s) dans les textes saints. Une autre « preuve » célèbre provient de l’argument ontologique. Sans entrer dans les détails, il s’agit d’un raisonnement par l’absurde dont la conclusion stipule que « Dieu existe ». Le problème est qu’il est possible de construire d’autres démonstrations basées sur le même principe et qui aboutissent à la conclusion inverse, ou bien encore que Dieu soit en fait un ours en peluche. Toutefois, la « preuve » la plus en vogue à l’heure actuelle concerne celle du dessein intelligent. C’est celle que les créationnistes brandissent fièrement en affirmant que l’univers, la nature et l’être humain se révèlent trop beaux et trop complexes que pour se réduire au simple fruit du hasard.
En un sens, tous les scientifiques approuvent ce point. Il est statistiquement illusoire d’imaginer touiller une soupe probiotique, faite d’une myriade d’éléments chimiques de base, et d’espérer en sortir un être humain fonctionnel comme un magicien sortirait un lapin de son chapeau. L’incrément de complexité s’avère invraisemblable et le hasard ne peut en aucun cas expliquer cette prouesse. Darwin a cependant proposé une hypothèse permettant d’expliquer comment la nature y était arrivée au travers de l’évolution des espèces. L’essence de cette théorie consiste à dire que c’est une lente et longue évolution qui nous a fait sortir de cette soupe, par petits sauts de complexité progressifs. Bon gré mal gré, la complexité des organismes vivants s’est élevée jusqu’à ce que nous en connaissons aujourd’hui. Le moteur de cette évolution guidant cette complexité vers le haut proviendrait de la sélection naturelle, rendant les entités se débrouillant un peu mieux que leurs congénères légèrement plus prospères.
La sélection naturelle explique merveilleusement bien comment il est possible d’accroître la complexité des êtres vivants en suivant une évolution en pente douce. Toutefois, certains passages de l’évolution nécessitent de franchir un grand seuil de complexité d’un seul coup. Un exemple provient de l’apparition de la vie elle-même, sous sa forme la plus élémentaire. Celle-ci constitue un bond majeur, sans étapes intermédiaires et sans laquelle la sélection naturelle n’aurait pas pu démarrer. Ce genre de passages peut s’expliquer autrement. L’idée la plus répandue consiste à considérer que, même si les possibilités qu’un certain événement se concrétise paraissent très faibles, tenter sa chance un grand nombre de fois permet que cet événement finisse par se réaliser. Typiquement, les probabilités que les conditions propices à l’apparition de la vie soient réunies sur une planète donnée se montrent extrêmement réduites. Il faut combiner énormément de situations favorables pour maintenir l’eau à l’état liquide sur une planète. Par exemple, son orbite doit demeurer stable autour de son étoile, à la bonne distance pour que la température reste clémente ; cette étoile, elle-même, doit jouir de certaines propriétés particulières. Mais les mille milliards de milliards de planètes répandues dans l’univers équivalent à autant de coups de dés qui ont permis de surmonter cet obstacle au moins une fois. Par la suite, nous autres humains vivons sur l’une des rares planètes privilégiées par ce coup de poker. L’idée peut se comparer à un jeu de la loterie nationale. Le gagnant du jackpot peut se poser d’innombrables questions pour tenter de comprendre comment il a pu être l’heureux élu alors que ses chances semblaient si infimes. Mais d’un point de vue externe, nous savons tout simplement bien qu’il y aura toujours un gagnant, il n’y a rien d’énigmatique là-dedans.
La notion que je viens de décrire correspond à ce qu’on appelle le principe anthropique faible. Même s’il n’apporte pas toute la lumière sur le processus, il considère que si nous sommes là pour y réfléchir, c’est que l’univers est tel qu’il a permis le franchissement des différentes étapes improbables à l’apparition de la vie au moins une fois. Couplé au Darwinisme, il détermine comment la vie a pu émerger sans avoir recours au dessein intelligent des créationnistes. Il est cependant possible d’aller plus loin et de se poser la question de l’improbabilité de l’univers lui-même. Typiquement, toutes les lois de l’univers semblent être réglées finement afin de se montrer favorables à l’émergence de la vie. Même si nous n’avons pas encore établi de modèle complet de ces lois, il est possible de calculer que si elles avaient été un tant soit peu différentes, l’univers dans lequel nous vivons n’aurait pas pu prendre forme. Par exemple, la modification même légère de la force agissant au cœur des atomes empêcherait d’aboutir à la chimie du carbone que nous connaissons et qui s’avère indispensable à notre existence. Cela surviendrait, soit parce que les étoiles ne produiraient plus les éléments lourds en explosant à la fin de leur vie, soit parce qu’elles consommeraient tout leur hydrogène durant ce processus. Il en va de même pour plusieurs autres paramètres, si bien qu’un théiste ou un déiste puisse penser que Dieu a tout simplement bien ajusté la valeur de tous ses boutons de réglage cosmiques.
C’est ici qu’interviennent certains scientifiques en proposant le principe anthropique fort. L’idée se montre similaire à celle suggérée pour expliquer que la vie ait pu apparaître sur terre, bien que cette probabilité apparaisse localement très faible. Ici toutefois, cette idée est généralisée et suppose qu’une multitude d’univers existent simultanément. Aussi, au lieu d’avoir à se demander pourquoi les lois de notre univers semblent si bien réglées, ce principe stipule que toutes les combinaisons possibles de paramètres peuvent être instanciées dans autant d’univers différents. Il faudrait donc voir l’univers comme un multivers, une sorte de mousse dans laquelle naîtraient et mourraient des bulles d’univers distincts, et dont les propriétés physiques se voudraient chaque fois différentes. Certains, voire la majorité des univers, ne déboucheraient sur rien d’intéressant et demeureraient probablement froids et morts. Mais comme cette expérience de génération serait répétée une multitude de fois, la perspective d’aboutir sur un univers où les lois physiques se montrent favorables à la vie deviendrait non négligeable. Et si nous sommes là pour y réfléchir, c’est que nous nous trouvons précisément dans l’un des univers où cette éventualité fut possible.
Dans son livre « Y a-t-il un grand architecte dans l’Univers ? », Stephen Hawking présente la M-théorie comme l’unique prétendante au poste convoité de théorie complète de l’univers. Celle-ci soustend l’idée que des fluctuations quantiques du vide pourraient engendrer de petits univers à partir de rien. Selon les lois physiques dont ces univers hériteraient, certains d’entre eux retourneraient très vite au néant dont ils sont issus. D’autres pourraient par contre atteindre une taille critique, puis se dilater de façon inflationniste. L’univers dans lequel nous vivons n’en serait qu’un parmi tant d’autres. Aussi le concept de multivers pourrait-il expliquer l’ajustement fin des lois de la physique sans recourir à un créateur ayant conçu l’univers pour notre seul profit. Au beau milieu de la multitude de configurations possibles, nous vivrions simplement dans celle qui a tiré la combinaison gagnante.
Cette théorie paraît élégante dans son principe, bien qu’elle reste largement spéculative à ce stade. Toutefois, au-delà des détails, il y a un point qui me contrarie sur le fond. Le concept de « Dieu » est souvent décrié par les athées comme constituant une solution trop facile pour élucider l’origine de la création, car rien n’expliquerait l’origine de ce Dieu. Si je ne m’abuse, ne nous retrouvons-nous pas exactement dans la même situation ? Certes, la M-théorie jouant le rôle de Dieu a le mérite de donner de nombreux détails sur la création de notre univers. Mais rien ne précise d’où proviendrait le cadre dans lequel pourrait se jouer cette fameuse M-théorie. L’hypothèse suggère que des fluctuations quantiques du vide pourraient faire sortir un univers du néant. Il y a cependant abus de langage. Le vide dans lequel subsiste et oscille l’énergie du vide ne peut pas s’identifier au néant. Le néant c’est quelque chose de bien plus profond que cela, c’est quelque chose qui n’admet aucune loi physique et encore moins le tressautement de vide quantique. Si un univers doté de certaines lois physiques peut jaillir du « vide », ne faut-il pas de méta-lois physiques pour en expliquer le processus ? Et d’où viendraient ces méta-lois ? Dans quelle cadre pourraient-elles se jouer ? Et puis surtout, qui aurait construit ce cadre ?
Tire-bouschtroumpf et schtroumpfe-bouchon
Le livre « Pour en finir avec Dieu » de Richard Dawkins défend la même idée de fond. Celle-ci stipule que le principe anthropique fort permet d’expliquer l’origine de l’univers sans avoir recours à de la métaphysique. Richard Dawkins se veut cependant un tantinet moins catégorique, dans la mesure où il pense que cette solution a tout bonnement le mérite de paraître plus simple que de supposer l’existence d’un Dieu. Cette notion de simplicité me semble importante et je vais revenir dessus de suite. Quoi qu’il en soit, cet ouvrage déploie beaucoup de pugnacité pour dénoncer toutes les abracadabrances, écrans de fumée, aberrations et surtout violences véhiculées par les croyants au nom de la foi. Ce livre constitue une véritable croisade cinglante contre les religions, trouvant son origine dans le dégoût qu’elles lui inspirent. Ce dégoût n’est pas dû à la spiritualité en tant que telle, mais plutôt à cause du terreau qu’elle constitue pour le fanatisme. Il est pour lui inconcevable que la religion puisse à ce point plus se préoccuper de ce que nous pensons plutôt que de nos actes. Il ne supporte pas qu’elle puisse ôter la vie et faire souffrir pour une simple divergence d’idées, et cela au nom d’un Dieu qui nous aime. Le livre regorge d’exemples tout simplement ahurissants.
Pourtant, le chapitre qui m’a le moins convaincu est celui qu’il cite justement comme étant le plus important, celui où il montre qu’il est très peu probable que Dieu existe. La pierre angulaire de cette démonstration repose sur le principe anthropique faible et sur le Darwinisme, et j’y adhère complètement. Le problème vient de l’étape finale, permettant de justifier la théorie des multivers et du principe anthropique fort. Cette étape est basée sur cette fameuse notion de complexité. Son point de vue consiste à soupeser la probabilité de disposer d’une pléthore d’univers dans un cas, ou un Dieu de l’autre. Il en conclut alors que l’idée de Dieu est « authentiquement extravagante », tandis que le multivers est « extravagant en apparence, mais simple ». Dieu, en tant qu’agent intelligent calculateur, devrait en effet arborer une complexité bien supérieure à celle de l’univers dont nous cherchons à comprendre la nature. Cette notion soulève alors des questions encore plus grandes que celles que nous essayions de résoudre.
Si nous avions à traiter d’un problème bien ancré dans notre univers, je me montrerais amplement d’accord. Ce principe porte d’ailleurs le nom de rasoir d’Occam. Il s’agit d’un précepte rationaliste qui est aussi appelé principe de simplicité. Sa formulation moderne est celle-ci : « les hypothèses suffisantes les plus simples sont les plus vraisemblables ». Appliqué au cas qui nous occupe, il se traduit par la conclusion que l’hypothèse de Dieu n’apparaît pas nécessaire pour appréhender la marche du monde, tout peut reposer sur une explication scientifique. Donc toutes choses étant égales, autant choisir l’hypothèse la plus simple où Dieu n’existe pas. Mais la faille astucieusement masquée par le rasoir provient du fait que nous sommes censés départager deux hypothèses qui expliquent l’une comme l’autre le phénomène observé. Il n’y a donc rien à départager ici ! Que ce soit avec ou sans Dieu, aucune hypothèse ne permet d’élucider l’origine de la création de façon logique. Comme nous l’avons montré plus haut, l’hypothèse du multivers ne se montre pas complètement satisfaisante, car rien ne permet de comprendre comment une telle structure pourrait seulement exister. Aussi cette conjecture n’autorise-t-elle pas plus de clore le problème de succession infinie de créateurs, elle y ajoute juste un maillon.
La seconde difficulté, selon moi, vient du terme « complexité ». Ce dernier est certainement biaisé, voire parfaitement inadéquat. Notre périmètre de pensée est entièrement circonscrit par les limites de notre univers. Cette pensée est fondée sur la logique qui, fondamentalement, ne peut pas s’appliquer pour résoudre le problème de l’origine du monde. Comment pourrions-nous juger de ce qui tient lieu de complexe ou pas dans une réalité qui nous transcende ? Nous pourrions, somme toute, l’envisager si la nature de ce qui a engendré notre univers obéissait à cette même logique, auquel cas la notion de complexité pourrait avoir du sens. Mais nous n’en détenons pas la moindre garantie. Postuler que le concept de Dieu est plus compliqué qu’une chose inconnue capable d’engendrer un multivers constitue une aventure bien hasardeuse. Le fait même que quelque chose existe apparaît authentiquement et complètement extravagant. Nous regardons en fait à travers un voile de brouillard et chacun en interprète les nuances qu’il y décèle à sa façon. Mais ce voile ne se révèle pas seulement opaque, nous ne pouvons simplement pas le traverser. Si les théistes entraperçoivent un être intelligent conscient de sa création, tant mieux pour eux. Si les athées discernent une structure strictement mécanique surgie de rien, grand bien leur fasse. Mais de mon point de vue, nous jouons sur les mots pour désigner quelque chose qui nous dépasse purement et simplement. Nous n’obtiendrons jamais la réponse.
Méta-philosophie
Le fait que l’origine de la création dépasse l’entendement nous concède seulement la liberté d’imaginer que tout est possible. Mais si tout peut s’envisager, quelle chance y-a-t-il que l’idée que vous puissiez vous en esquisser s’avère correcte ? Comment chacune des idées formulées par l’humanité depuis son avènement pourrait-elle se révéler la bonne ? Aussi, sachant que tout le monde a de toute façon tort, personne ne devrait essayer d’imposer sa vision des choses. D’ailleurs, si quelqu’un tente de vous démontrer quoi que ce soit, il se prend dès le début les pieds dans le tapis dans la mesure où aucune argumentation sur l’origine de la création n’a de sens.
J’ai toujours été persuadé que les athées, qui revendiquent que rien n’existe en dehors de l’univers, sont des croyants qui s’ignorent. La seule différence provient du fait qu’ils placent leur foi dans une autre conviction, celle selon laquelle l’univers est né à partir de Rien. Étrangement, ce Rien semble tout aussi compétent à créer un univers que Dieu, sans que cette toute puissance paraisse les choquer le moins du monde. À cela il faut ajouter que l’hypothèse des multivers pour expliquer la création de notre univers requiert le même saut de foi que le demande n’importe quelle religion. Nous faisons inexorablement partie de notre univers et cette hypothèse ne peut donc ni être observée ni testée, prouvée ou reniée, au même titre que Dieu.
J’ajouterais néanmoins que même si l’argumentation rationnelle doit reconnaître ses limites, elle reste le seul moyen d’argumentation valable. Venir planter en conquérant le drapeau de la foi au-delà de ces frontières est soit naïf, soit mesquin. La foi a cette vilaine tendance à pouvoir être placée dans tout et n’importe quoi, car, par principe auto justifié, elle ne peut souffrir d’aucune argumentation. Pourtant, au vu des multitudes de croyances, force est de constater que l’être humain est loin d’être arrivé à un consensus sur le plan spirituel. Je n’ose même pas imaginer ce qu’il adviendrait si nous devions établir un contact avec une intelligence extra-terrestre et concilier leur point de vue avec le nôtre
[9]Dans le but de prendre la foi en dérision, je vous invite à découvrir les dogmes du Pastafarisme, ou celui plus subtil de la Licorne rose invisible. Pour le plaisir, je vous dévoile les deux premiers dogmes de cette dernière :
« — Licorne est à la fois invisible et rose, ce qui est un mystère seulement compréhensible par les vrais fidèles. »
« – La religion de la Licorne rose invisible est fondée sur la raison (on constate qu’on ne la voit jamais) et sur la foi (on croit à sa roseur).»
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Pour conclure ce chapitre sur la question de Dieu, il est important de rappeler, une fois encore, que ni la religion ni les plus fervents partisans des explications scientifiques de la création ne peuvent prétendre apporter de réponse plausible. Ces deux points de vue requièrent le même saut de foi et ne proposent finalement, par-delà les différents emballages, que le même genre de pseudo-explications trompeuses. L’univers glacé proposé par les uns apparaît dès lors tout aussi improbable que la promesse chaleureuse d’un Dieu éternel proposé par les autres. Le vaste entre-deux subsistant entre ces extrêmes, muet et invisible, laisse alors l’homme bien seul face à sa destinée. Néanmoins, il est important de comprendre que l’être humain n’a nul besoin d’un code moral cosmique pour vivre en harmonie. Cette absence de guide constitue une opportunité de croire en l’homme, tout simplement. Cela doit nous permettre d’embrasser une démarche responsable et mature, de prendre en main notre destinée et de profiter de la vie qui nous est offerte, même si nous ne savons pas d’où elle provient. Cette humilité ne doit toutefois pas empêcher la recherche de la connaissance menée par la science. Celle-ci doit repousser au maximum les limites du savoir qui nous est accessible, car c’est là une quête noble en adéquation avec la curiosité de l’être humain. Mais il faut aussi accepter l’idée qu’il restera toujours une petite part de mystère et que personne ne pourra jamais se targuer de détenir la clé de l’énigme.
Ce texte de Jean-Sébastien Gonsette est publié sous la license CC BY-NC-ND 4.0
[7]: La notion d’activité symbolique est éminemment développée dans le livre « Je suis une boucle étrange » de Douglas Hofstadter. Ce dernier explique l’origine de cette activité comme l’émergence de concepts abstraits issus de boucles de rétroaction extrêmement complexes permettant de traiter l’information au sein de toute structure cérébrale. Je réutiliserai ce vocabulaire tout au long de ce livre, car il me semble tout à fait approprié pour décrire le mécanisme qui produit la pensée.
[8]: Cette explication est proposée dans le livre « Pour En Finir Avec Dieu » de Richard Dawkins.
[9]: Dans le but de prendre la foi en dérision, je vous invite à découvrir les dogmes du Pastafarisme, ou celui plus subtil de la Licorne rose invisible. Pour le plaisir, je vous dévoile les deux premiers dogmes de cette dernière :
« — Licorne est à la fois invisible et rose, ce qui est un mystère seulement compréhensible par les vrais fidèles. »
« – La religion de la Licorne rose invisible est fondée sur la raison (on constate qu’on ne la voit jamais) et sur la foi (on croit à sa roseur).»